

TROUBLES TEMPORAIRES PARTICULIÈREMENT GRAVES DANS LES CONDITIONS D'EXISTENCE ET PRISE EN CHARGE PAR L'ONIAM D'UN ACCIDENT MÉDICAL NON FAUTIF :
Auteur : Maître Florence GODDEFROY GANCEL
Publié le 15 octobre 2024
Jugement 10 octobre 2024, Tribunal judiciaire du HAVRE (n° RG 23/00443)
En juillet 2020, Madame D. a été opérée pour colectomie sous coelioscopie.
Deux jours après l’intervention, elle a présenté de vives douleurs nécessitant une reprise sous coelioscopie pour perforation colique angulaire gauche, résection angulaire gauche avec section transverse et stomie en canon de fusil.
Elle subira par la suite une reprise pour drainage de deux abcès intra-abdominaux et une intervention aux fins de rétablissement de la continuité par laparotomie avec cure d’éventration.
L’expertise judiciaire sollicitée a conclu que la perforation colique était un accident médical non fautif dont les conséquences étaient anormales.
En effet, le risque de perforation colique lors d’une colectomie est de probabilité faible (rapporté dans moins de 1% des cas). La condition d’anormalité du dommage est dès lors remplie.
En outre, se posait la question au titre de la qualification de l’accident médical non fautif, de l’établissement des critères de gravité et notamment des troubles particulièrement graves dans les conditions d'existence (TPGCE) à titre temporaire, les autres critères n’étant pas remplis.
Les troubles n’ont pas de définition légale ou réglementaire et sont dès lors soumis à l’appréciation du juge.
Ils se caractérisent par les bouleversements de vie au quotidien subis par la victime qui peuvent être définitifs ou temporaires, le texte n’établissant pas de distinction.
En l’occurrence, la perforation colique avait entraîné pour Madame D. des troubles particulièrement graves affectant ses conditions d’existence alors qu’elle avait subi un bouleversement considérable dans ses conditions de vie sur le plan social, familial et professionnel pendant plusieurs mois pendant notamment le port de la stomie.
L’Expert avait considéré que les conséquences de l’accident médical avaient été graves sur une période temporaire.
C’est ainsi que Madame D. a saisi le Tribunal judiciaire sollicitant la prise en charge par l’ONIAM des conséquences dommageables liées à l’accident médical non fautif dont elle avait été victime.
L’ONIAM n’a pas contesté le droit à indemnisation de Madame D. et a admis par conséquent le caractère temporaire des TPGCE.
Au titre de l’indemnisation des préjudices de Madame D., l’ONIAM invoquait l’application de son barème.
Le Tribunal a rappelé que le Référentiel de l’ONIAM ne liait pas les juridictions et que le juge étant souverain sur le choix des outils de référence permettant la liquidation des préjudices, il n’était donc pas tenu d’appliquer le barème d’indemnisation prévu par l’ONIAM.
Il ajoute que le recueil méthodologique commun de la Cour de Cassation prévoit des référentiels indicatifs d’indemnisation et notamment le Référentiel MORNET reposant sur un consensus jurisprudentiel permettant d’harmoniser la jurisprudence en matière d’indemnisation du dommage corporel et d’assurer le respect du principe de la réparation intégrale. Il en fait dès lors application.
Aussi, l’ONIAM est condamné à régler à Madame D. à la somme de 42 172,95 Euros au titre de l’indemnisation de ses préjudices ainsi qu’à la somme de 5 000,00 Euros au titre de l’article 700 du CPC.
